Les lois contre l’ivresse au volant. L’interdiction du bisphénol A (BPA) dans la fabrication des biberons. La création, par le gouvernement fédéral, du régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI). Ce ne sont là que quelques exemples du rôle important des organismes de bienfaisance dans l’orientation de la législation, de la réglementation, de la décision des dépenses gouvernementales, et d’autres mesures prises par les pouvoirs publics canadiens à l’échelle municipale, provinciale et fédérale.

Dans chacun de ces cas, les organismes de bienfaisance et leurs partenaires étaient conscients que le système actuel limitait — ou même sapait — l’impact positif de leur travail. Ils possédaient une connaissance et une expérience approfondies du sujet ainsi que les contacts nécessaires pour faire progresser les politiques publiques en la matière, et ils sont délibérément passés à l’action afin de militer en faveur du changement, notamment en effectuant de la recherche, en menant des campagnes de sensibilisation du public, en communiquant avec les élus, en agissant sur le terrain, en s’engageant dans des procédures judiciaires, ou en adoptant tant d’autres approches.

Pourquoi influencer les politiques publiques? (« Est-ce vraiment le rôle d’une fondation communautaire? »)

Les organismes de bienfaisance (dont les fondations communautaires) sont bien placés pour militer en faveur du changement et pour orienter les politiques publiques. Nous avons une expertise et des connaissances uniques, acquises par l’entremise de nos programmes, de notre recherche, de Signes vitaux et de notre engagement communautaire. À la direction des organismes de bienfaisance, ou parmi leurs proches collaborateurs, on retrouve des gens dont la vie a été marquée par les résultats de certaines décisions politiques. Nous entretenons des relations avec d’autres secteurs et nous sommes bien positionnés pour lancer le dialogue avec différents acteurs. Et à titre d’organismes subventionnaires, les fondations communautaires peuvent renforcer l’expertise et le leadership d’autres organismes de bienfaisance qui s’engagent dans la défense des intérêts et cherchent à influencer les politiques.

Si nous ne le faisons pas, qui le fera? Aux termes de la loi, les organismes de bienfaisance se consacrent explicitement au « bien public ». N’est-ce pas notre responsabilité de chercher des moyens de veiller à ce que les décisions des institutions publiques répondent vraiment aux besoins des membres de nos communautés, y compris ceux dont la voix est souvent étouffée? N’est-ce pas notre rôle de veiller à ce que les lois, les règlements et les décisions gouvernementales s’adaptent aux réalités et aux besoins changeants de nos communautés?

Nous avons constaté qu’en bien d’autres domaines les plaidoyers des organismes de bienfaisance ont porté fruit : réglementations sur le tabac; interdiction de produits chimiques qui détruisent la couche d’ozone; modèles de services de santé mentale pour la jeunesse.

En gardant à l’esprit ces exemples, que faire lorsque nous estimons que les réalités locales (p. ex., la sécurité alimentaire, l’abordabilité des logements, l’accès équitable au transport, le chômage) sont le résultat direct de la législation, de la réglementation et des décisions gouvernementales qui peuvent être changées? Quelle est notre responsabilité envers nos communautés, pour faire en sorte que l’aide et le leadership que nous offrons au quotidien soient accompagnés d’un engagement à entraîner un changement plus profond des systèmes? Qu’est-ce qui pourrait être accompli si tous les organismes de bienfaisance (dont les fondations communautaires) mettaient en commun leur expertise, leurs ressources et leurs relations en tant que défenseurs des gens et des enjeux qui nous sont les plus chers?

Quelles sont les règles? (« Avons-nous vraiment le droit de faire cela? »)

Au Canada, les organismes de bienfaisance ont toujours été autorisés à s’engager dans des activités non partisanes relatives aux politiques publiques, mais en respectant les restrictions de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Ces restrictions en matière d’activités non partisanes relatives aux politiques publiques ont récemment été abolies. Après des années de dialogue (et de défense des intérêts!) concernant l’importance du rôle des organismes de bienfaisance dans la participation aux politiques publiques, en décembre 2018 le gouvernement du Canada a proposé des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu pour en supprimer toutes les restrictions imposées aux organismes de bienfaisance quant à leur participation à des activités non partisanes relatives aux politiques publiques. Depuis, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a publié une ébauche de lignes directrices qui désigne ces activités sous un nouveau nom et suggère une interprétation de la Loi : Activités relatives au dialogue sur les politiques publiques ou à leur élaboration par les organismes de bienfaisance. Jusqu’au 23 avril 2019, l’ARC accepte les commentaires concernant cette ébauche de lignes directrices. Entre-temps, Miller Thomson a fourni un bon aperçu des lignes directrices de l’ARC, et Imagine Canada, Fondations philanthropiques Canada et Ontario Nonprofit Network ont préparé une FAQ, Nouvelles règles sur les activités des organismes de bienfaisance en matière de politiques publiques.

La lecture de l’ébauche des lignes directrices de l’ARC laisse croire que cette nouvelle terminologie confère une grande clarté et un nouvel espace pour le leadership des organismes de bienfaisance dans le domaine des politiques publiques. Toutefois, des passages de ces lignes directrices gagneraient à être plus explicites, et FCC collabore avec d’autres leaders sectoriels afin de soumettre une rétroaction à l’ARC. Une chose est claire : les organismes de bienfaisance peuvent maintenant participer sans restrictions à des « activités relatives au dialogue sur les politiques publiques ou à leur élaboration », à condition que ces activités leur permettent de réaliser leurs fins de bienfaisance et demeurent non partisanes.

Des pionniers au sein du mouvement

Plusieurs fondations communautaires participent depuis un certain temps à des activités relatives aux politiques publiques, se servant de leurs connaissances communautaires, de Signes vitaux, de leurs relations et de l’octroi de subventions afin d’orienter, à l’échelle locale et provinciale, la législation, la réglementation et la décision des dépenses.

  •    Dans le cadre de Signes vitaux, la County Community Foundation a identifié la sécurité alimentaire et les transports comme des priorités locales. Cette fondation communautaire a rallié des membres de la collectivité, des partenaires et l’administration locale autour d’un modèle d’impact collectif en vue de faire progresser ces priorités. En ce qui a trait à la sécurité alimentaire et aux transports, ce groupe d’acteurs locaux envisage plusieurs possibilités de produire un impact, notamment des changements concernant les politiques publiques municipales et la décision des dépenses gouvernementales.
  • Signes vitaux s’est également révélé un outil important au moment des élections. Par exemple, lors du cycle des élections municipales de 2018, la Community Foundation of the North Okanagan a appuyé un groupe de citoyens bénévoles qui se sont servi des constatations de Signes vitaux pour élaborer le Vernon Vital Signs Questionnaire. Ce questionnaire a fait connaître les réponses des candidats à d’importantes questions relatives aux politiques publiques à Vernon, et a été utilisé pour renforcer l’engagement civique en faveur des élections. À London (ON), la London Community Foundation s’est associée à la Urban League pour tenir avant les élections une série de rencontres avec tous les candidats — une rencontre a eu lieu dans chacun des 14 quartiers. Le rapport Signes vitaux de la fondation communautaire a été distribué à chaque rencontre et certaines questions étaient formulées selon les données présentées dans le rapport, de façon à mettre les priorités communautaires à l’avant-plan des débats.
  •    La Vancouver Foundation a aidé de jeunes leaders à mettre sur pied et à développer leurs propres initiatives relativement aux politiques publiques, par exemple Fostering Change, qui a comporté une campagne épistolaire et l’engagement des candidats à réformer le système des familles d’accueil dans la province. Le nouveau LEVEL Youth Policy Program (YPP) rassemble 15 à 20 jeunes autochtones, immigrants racialisés et réfugiés de Colombie-Britannique afin de leur offrir une formation en vue de participer aux débats relatifs aux politiques publiques qui ont un impact dans leur vie.

Ces pionniers montrent comment les fondations communautaires peuvent intensifier leur travail lié aux connaissances communautaires, à la concertation et à l’octroi de subventions, en engageant la collectivité et les décideurs locaux à changer les systèmes en place.

Vous voulez en savoir davantage au sujet de la défense des intérêts?

Outils et ressources sur la participation des organismes de bienfaisance aux politiques publiques :

Ressources concernant la nouvelle terminologie de la Loi de l’impôt sur le revenu et les récentes lignes directrices de l’ARC :

Le sujet vous intéresse? Communiquez avec nous!

Est-ce que votre fondation communautaire exerce déjà un rôle de leadership en matière de politiques publiques? Est-ce un nouveau domaine pour vous, que vous aimeriez mieux connaître? Voyez-vous là des opportunités, des obstacles, ou avez-vous des besoins relativement à certaines politiques publiques? Avez-vous des opinions, des questions ou des commentaires au sujet des nouvelles lignes directrices de l’ARC?

Si c’est le cas, nous aimerions beaucoup vous entendre! Contactez Laurel Carlton à lcarlton@communityfoundations.ca pour en savoir davantage et entrer en relation avec d’autres fondations communautaires qui s’intéressent à ce travail.

Enfin, voici notre prochain thème : « Dans quelle mesure votre fondation communautaire est-elle prête à exercer un leadership en matière de politiques publiques? » (mars 2019)